LEGISLATION – Emmanuel Macron part en guerre contre la désinformation après avoir annoncé devant la Presse, mercredi 3 janvier, son intention d’une loi contre les fake-news. Mais selon un expert en droit pénal “ce seront les politiques les premières victimes de cette loi”.
Lors de ses voeux à la Presse mercredi 3 janvier 2018, devant 500 journalistes rassemblés dans la salle des fêtes de l’Elysée, Emmanuel Macron a fait savoir qu’il partait en guerre contre les “fake news” en annonçant qu’un texte de loi allait être déposé pour lutter contre « ces bobards inventés pour salir les hommes politiques et la démocratie ».
Cette loi contre les fake news vise donc à contrer la désinformation et la manipulation de l’opinion publique, notamment lors des périodes électorales. l’enjeu consiste à protéger la vie démocratique, menacée par des groupes d’influence qui exercent sur les réseaux sociaux.
Ainsi, cette loi anti “fake-news” permettrait :
- en cas de diffusion de fausse information, de saisir en référé un juge pour décider de la suppression du contenu incriminé ;
- d’offrir au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) plus de pouvoirs « pour lutter contre toute tentative de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des Etats étrangers » ;
- d’imposer des obligations de transparence à tous les diffuseurs de contenus sponsorisés, afin de rendre publique l’identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent, mais aussi de limiter les montants consacrés à ces contenus .
Cette annonce fait suite à la proposition de loi déposée le 22 mars 2017 au Sénat par la sénatrice Nathalie Goulet, qui vise à définir et sanctionner ces “fake news” en introduisant dans le code pénal un nouvel article 226-12-1 qui serait :
“Art. 226-12-1. – La mise à disposition du public par voie numérique par édition, diffusion, reproduction, référencement ou par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses non accompagnées des réserves nécessaires est punie d’un an d’emprisonnement avec sursis et de 15 000 € d’amende lorsque la publication est de nature à tromper et influencer directement le public à agir en conséquence et que sa mise à disposition a été faite de mauvaise foi. La nouvelle est l’annonce de faits précis et circonstanciés, actuels ou passés faite à un public qui n’en a pas encore connaissance
[…]”.
Mais cette loi contre les fake news pourrait avoir des effets pervers ainsi que nous l’explique Jean-Dominique Deperthuis, expert en droit pénal :
“Si une telle loi venait à être publiée, les premières victimes seraient les femmes et hommes politiques eux-mêmes. En effet, leurs discours sont truffés de fausses informations, dites sciemment ou non. Ainsi, si une telle loi était votée, chaque femme ou homme politique pourrait se voir condamner pour diffusion de fausses informations.”
Ainsi, le fact-checking (vérification des faits) effectué par de nombreux journalistes et citoyens, permettrait de mettre en avant toutes les fausses informations dites par les politiques tant à l’encontre de leurs adversaires que celles qu’ils exploitent pour argumenter en leur faveur. Ils pourraient ainsi être très clairement condamnés, même si la loi vise plus particulièrement les réseaux d’influence et de désinformation comme l’explique J-D Deperthuis :
“La loi contre les fake-news a pour objectif d’être une loi contre les lobbies et influenceurs malintentionnés, qu’ils soient français ou étrangers. Toutefois, si une loi est votée, elle concernera tout le monde, y compris les politiques. Il n’y aura pas 2 poids-2 mesures : tout le monde sera concerné par la loi et chaque fake-newser, qui qu’il soit, individuel ou groupe, devra y répondre devant la justice .”
Ainsi, si une loi contre les fake-news venait à être promulguée, il y aurait de forts risques que les politiques en soient les premières victimes …