ARCHIVAGE DU WEB – Alors que l’archivage du web est un projet titanesque entrepris depuis 20 ans, les premières études sociologiques prouvent que l’Intelligence humaine régresse : on publie plus, mais avec des contenus toujours plus stupides les uns que les autres.
La fondation Internet Archive, aux Etats-Unis, est pionnière dans l’archivage du web, en 1996. Brewster Kahle, son fondateur, explique que son objectif est de créer la prochaine bibliothèque d’Alexandrie, celle de l’ère numérique ; soit une bibliothèque numérique universelle. Ce projet sera suivi quelques années plus tard par d’autres pays, dont la France (via la BNF), la Suède (via la Bibliothèque Royale) et l’Australie (via la Bibliothèque Nationale d’Australie) notamment.
Les premières études sociologiques de ces archives du web permettent d’avoir un aperçu de l’évolution des réflexions et des échanges humains, comme l’explique le sociologue Alan Hemba :
« Un recul de 20 ans est tout à fait suffisant pour mener une étude sociologique comparative sur le court terme. Ainsi, cette étude des archives du web entre 1996 et 2016 est pertinent pour parvenir à des conclusions fiables. »
Alan Hemba a alors étudié aussi bien la quantité que la qualité des échanges :
« J’ai étudié la quantité des données échangées et la qualité de celles-ci. Avec la démocratisation de l’Internet, il est évident que le nombre de données échangées n’a jamais cessé de croître. Toutefois, au pro rata des nouvelles connexions Internet et de l’échange de données, on se rend compte que plus le temps passe, plus les personnes échangent de données. De 1 information par jour et par personne, on passe à 1.000 informations par jour et par personne ! L’effet réseaux sociaux y est évidemment pour quelque chose ».
En croisant le nombre de données (quantité) et le contenu de celles-ci (qualité), Alan Hemba est parvenu à la conclusion suivante :
« L’Homme partage toujours plus de données. Mais ces données ont une valeur de plus en plus faible. En d’autres termes, l’Homme publie de plus en plus de données insignifiantes voire inutiles. En clair, l’Homme pollue le web de futilités. Mais surtout, eu égard à la faible profondeur des contenus échangés, on est parvenu à prouver que c’est l’Intelligence humaine elle-même qui a régressé. »
Ainsi, la grande majorité des échanges interpersonnels et des publications sur le web seraient clairement inutiles voire stupides.
Alan Hemba détaille son analyse :
« On constate que la démocratisation du web a répandu la parole libre. Internet en tant que médium de l’expression libre, tout le monde est d’accord dans les démocraties. Mais malheureusement, on constate qu’auparavant c’était la course à l’intelligence qui justifiait toute publication. Or aujourd’hui, c’est la course à l’information la plus stupide et insignifiante qui justifie les publications. De l’estime de la meilleure publication scientifique on passe à l’estime du plus gros ‘buzz’ (ou bouse). »
Alan Hemba en vient donc à douter de l’intérêt de tout archiver :
« Plutôt que d’archiver ce contenu insignifiant, il faudrait plutôt passer du temps à nettoyer le web de tous ces contenus qui le polluent.
Evidemment, on ne peut pas interdire à quelqu’un d’être stupide et de publier du contenu à son image.
Quoiqu’il en soit, mes conclusions sont là : l’Homme publie et surtout adore le contenu futile … Et on a la preuve irréfutable que l’Intelligence humaine régresse … et que cela ne cesse de se dégrader.
On avait déjà vu cela avec le contenu éditorial des chaînes de télévision qui devient de plus en plus basique, avec des émissions de témoignages bidonnées, des émissions de soi-disant téléréalité, etc. Du divertissement est certes utile, mais pas au détriment du contenu intelligent ».
Ainsi, le rêve d’une véritable « Bibliothèque d’Alexandrie numérique » semble bien loin :
« Une bibliothèque recèle de contenus intéressants. Or, la bibliothèque numérique constituée par l’archivage du web est telle un amas de prospectus : on regarde cela 5 minutes puis on jette » explique Alan Hemba.
Le seul intérêt de l’archivage du web serait-il ainsi de mener des études sociologiques prouvant que l’Homme est de plus en plus stupide ? A priori, nul besoin d’une étude sociologique pour s’en rendre compte non ?